Radio SWK

Saint-Étienne dans Rock & BD (1983)

Saint-Étienne dans Rock & BD (1983)

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Saint-Étienne en 1983 par Philippe Gilbert

SAINT-ÉTIENNE : l’i­mage même de la ville de pro­vince. Après 10h, les rues ne sont rem­plies que des loubs, des flics et des “drun­ked people” Étouf­fée par Lyon, une poli­tique cultu­relle limi­tée à une nuit rock par an à la Mai­son de la Culture. Bref appa­rem­ment le vide.

En fait, si on pousse un peu les portes…

Aus­si­tôt arri­vé à Saint-Étienne, je file chez BLUE NOTE où se trouve Laurent MALFOIS.
Laurent, c’est un peu le “mon­sieur rock local/français” de Saint-Étienne. Prin­ci­pal fon­da­teur de KRONCHTADT Tapes et prin­ci­pal ins­ti­ga­teur de SWK, la radio sté­pha­noise (rock). Laurent a aus­si tenu pen­dant deux ans BLUE NOTE, le maga­sin de disques “import punk — new wave”.

Par­ler de Saint-Étienne à l’heure actuelle, c’est tout d’a­bord par­ler de SWK. C’est la radio qui mobi­lise toutes les éner­gies, toutes les per­sonnes impli­quées dans le rock sté­pha­nois… Ini­tia­le­ment crée par Vic­tor et un type qui tient un maga­sin de mode. Après un mois d’exis­tence, Vic­tor, Hélène et Laurent décident de restruc­tu­rer la radio et d’en faire une radio musi­cale.
Deve­nue radio punk du fait des ani­ma­teurs, SWK a aujourd’­hui per­du de son sec­ta­risme et s’est ouverte au rock (en géné­ral) et à d’autres formes d’ex­pres­sions cultu­relles (théâtre, danse…).
La radio s’est aus­si lan­cée dans l’or­ga­ni­sa­tion de concerts. Pour pal­lier au manque de concert, Laurent vou­lait en orga­ni­ser tous les quinze jours en col­la­bo­ra­tion avec SWK où se pro­dui­raient des groupes locaux et régio­naux. Mais le manque de salle a fait que ce pro­jet est tom­bé à l’eau. Ils ont quand même fait quelques concerts dont une soi­rée avec ARMÉE ROUGE qui a réuni 600 per­sonnes et qui a prou­vé que la radio avait une audience impor­tante. Ils réor­ga­nisent une soi­rée le 25 mai au Bleu Citron avec CHA CHA GUITRI, BLANK SS et SINGLE TRACK

Pas­sons ensuite au label sté­pha­nois qui n’est pas un label de disque mais de cas­settes : KRONCHTADT Tapes. Pour­quoi ? Parce que c’est moins cher et plus pra­tique répond Laurent. Il pense que c’est vrai­ment l’a­ve­nir par rap­port au disque, sur­tout pour des rai­sons finan­cières. Le label pro­pose deux for­mules. Soit la dupli­ca­tion de cas­settes, soit la pro­duc­tion KRONCHTADT com­pre­nant la dupli­ca­tion, dis­tri­bu­tion et pro­mo­tion du groupe signé. Ils ont déjà pro­duit 8 cas­settes dont une com­pi­la­tion sté­pha­noise (Révo­lu­tion Cultu­relle), la cas­sette 4 titres de SINGLE TRACK et, tout der­niè­re­ment l’ex­cel­lente cas­sette de CHA CHA GUITRI. En pro­jet, une nou­velle com­pi­la­tion.
Tant qu’on est dans les cas­settes, signa­lons l’exis­tence d’un petit stu­dio 4 pistes cas­settes qui essaie de bos­ser un maxi­mum avec les groupes locaux : LITTLE SOUND RECORDS : “petit mais propre” d’a­près Luc. Le but : “enre­gis­trer les groupes qui n’ont pas beau­coup de moyens”. Le pro­blème c’est que Luc manque de groupes en ce moment pour pou­voir faire tour­ner son stu­dio conve­na­ble­ment et pas­ser au 8 pistes. Alors n’hé­si­tez pas !

Côté groupes, en fait, il n’y en a pas beau­coup. Une liste non exhaus­tive com­pren­drait : LES I (un 33 tours chez Cel­lu­loïd et actuel­le­ment à la recherche d’une mai­son de disques), VIRGULE 3 (un trio fémi­nin) ou VIRGULE 4 (avec la bas­siste des I), QU’EST-CE QU’ILS DISENT (musique cali­for­nienne), INRI (musique d’im­pro­vi­sa­tion), NIGHT SHIFT (reg­gae), puis les autres, ceux que j’ai oubliés et ceux dont on va parler.

On com­mence par KOMMANDO HM qui fut le pre­mier single de Kronch­tadt.
Musique expé­ri­men­tale avec un seul musi­cien. Mélange de rock, de free, d’in­dus­triel, d’a­fri­cain… KOMMANDO HM est l’un des abou­tis­se­ments de trois groupes de musique expé­ri­men­tale qui jouaient gra­tui­te­ment : LES COYOTTES DU CRASSIER, DESTROY KIDS et PARANOID CITY (dans l’ordre chronologique).

Ensuite, j’at­ter­ris chez un fabri­cant de vio­lon­celles qui est en fait le bat­teur de ICH LIBIDO.
ICH LIBIDO, c’est un peu le groupe phare de Saint-Étienne. Ils existent depuis un peu plus d’un an, ils ont, entre autres, joué aux Nuits Bleues en octobre 82. For­ma­tion clas­sique : basse / bat­te­rie / gui­tare / saxo et bien­tôt un deuxième saxo. Ils tournent pas mal et sur­tout, ils ont un moral d’a­cier, ce qui a l’air d’être vital dans cette ville. Ils sont en train de pré­pa­rer une vidéo et envi­sagent plus que sérieu­se­ment l’au­to­pro­duc­tion, c’est du rock’n’­roll (mais pas du rocka­billy). Un rock évo­lué 80’s avec beau­coup d’éner­gie, des textes humo­ris­tiques et deux supers mor­ceaux : “La fian­cée du Pirate” et “Ford inté­rieure”.
A voir abso­lu­ment sur scène.

Chan­ge­ment de style avec BLANK SS.
BLANK SS, c’est le groupe punk de Saint-Étienne, défrayant la chro­nique dans cette char­mante ville de pro­vince. Punk, enfin, musi­ca­le­ment ils se consi­dèrent comme tels. Mails ils avouent être reve­nus de ce qu’ils croyaient être le mou­ve­ment punk. Même, ils rejettent le revi­val punk actuel. Ils vont quand même sur la com­pi­la­tion punk que vient de sor­tir CHAOS PRODUCTION. Ils ont déjà sor­ti deux cas­settes, la pre­mière sur MOUCHE TAPES : “Conflits loca­li­sés” et la deuxième sur Kronch­tadt. Laurent Lachand, le chan­teur, est un per­son­nage assez carac­té­ris­tique, il anime une émis­sion sur SWK sur le jazz des années 30 et sur les chan­teurs fran­çais pen­dant la guerre. Pour­quoi pas ?

Le der­nier groupe (dont on par­le­ra), c’est CHA CHA GUITRI. C’est aus­si mes pré­fé­rés. Une musique entiè­re­ment nou­velle, mélo­dique, avec des rythmes chauds. Une musique basée sur une boîte à rythme, des syn­thés (mono­pho­niques) et de temps en temps quelques voix. Une musique élec­tro­nique et dan­sante mais qui n’a abso­lu­ment rien à voir avec la vague “bip” anglaise.
CHA CHA GUITRI, c’est quatre jeunes gens dont deux jeunes filles. Je leur donne 25–30 ans, bien chics (l’un d’eux tient une bou­tique de sapes 50’s-60’s au des­sus d’un dis­quaire spé­cia­li­sé : (VINYL), pas du tout le style rockers recon­ver­tis à une mode actuelle mais plu­tôt quatre per­sonnes qui ont déci­dé de faire de la musique ensemble.
Côté scène, ils n’ont pas encore fait de concerts, mais ils envi­sagent plu­tôt un spec­tacle qu’un concert. Ils viennent de sor­tir une cas­sette 8 titres chez Kronch­tadt qui est vrai­ment très bien.

MOUCHE ÉCRASÉE N’A PAS D’ODEUR est une pauvre asso­cia­tion qui vou­lait faire du cultu­rel (sic). Une approche assez intel­lec­tuelle en réac­tion contre le pou­voir et cer­tains prin­cipes du rock. Leur “pro­duc­tion” : un fan­zine qui a sor­ti 2 numé­ros : RAT-ZINE, un label de cas­settes : MOUCHE TAPES, des émis­sions de radio, un groupe de musique plus ou moins expé­ri­men­tal : TORSE, un groupe de trois per­sonnes (ceux qui s’oc­cupent de MOUCHE ÉCRASÉE…) sur lequel venaient se gref­fer d’autres musi­ciens et dan­seuses. C’est un mélange de punk, de pro­vo­ca­tion et d’in­dus­triel comme pour­raient l’être (ou le sont) VIRGIN PRUNES, THROBBING GRISTLE.
En ce qui concerne le label de cas­settes, ils ont déjà sor­ti 5 K7, une de TORSE, une d’OLP groupe de Mont­pel­lier et deux de BLANK SS (plus une com­pi­la­tion).. Ils devraient sor­tir très bien­tôt une com­pi­la­tion de punk fin­lan­dais (eh oui…) qui, paraît-il, sont très sur­pre­nants. Il y aurait des mil­liers de choses à dire sur M.E.N.O. mais mon rédac’­chef ne serait pas content.

Alors… pour finir, je vous signale mes deux maga­sins de disques pré­fé­rés : VINYL au décor très clean, très new wave et puis BLUE NOTE pour les imports punk / new wave et sur­tout les auto­pro­duc­tions fran­çaises. Voi­là, la pro­chaine fois, arrê­tez-vous là-bas, il y a peu de gens qui s’ac­tivent vrai­ment, mais quand ils le font, ils s’in­ves­tissent complètement.

Rock & BD (1982 — 1983) était un maga­zine lyon­nais pré­sen­té ici

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